Atlas Géographique Informatisé Régional

Parce qu’elle est département français, La Réunion est intégrée au territoire de l’Union européenne. Son éloignement et ses particularités naturelles, économiques, sociales et culturelles conduisent cependant à la doter d’un statut particulier comme c’est le cas pour les autres départements français d’outre mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique) et pour les Canaries espagnoles ou les îles portugaises des Açores ou de Madère.

Les ambiguïtés originelles de l’intégration européenne.

Le Traité de Rome, en 1957, crée notamment la Communauté Economique Européenne. Le Marché Commun établi entre des pays européens développés risquait d’être dommageable aux départements d’outre-mer, dont La Réunion, qui s’apparentaient par bien des côtés à des pays sous-développés.
L’application du Traité de Rome aux DOM a donc été sélective et partielle. Le sucre, en 1967, et le tabac, en 1970, ont bénéficié ainsi du Marché Commun agricole. Les fonds européens n’interviennent que progressivement : Fonds Européen d’orientation et de Garantie Agricole, Fonds Social Européen (depuis 1971), Fonds Européen de Développement (FED) en principe réservé aux pays en développement, de 1958 à 1980… Cependant les départements d’outre-mer, en raison des prélèvements effectués sur le riz, le maïs…participaient au financement de la Communauté pour un montant supérieur à ce qu’ils en percevaient alors qu’ils étaient sous-développés…

Les départements d’outre-mer, partie intégrante de l’Europe

Le statut hybride des DOM au sein de l’Europe est clarifié en 1978 par un arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes connu sous le nom d’ « Arrêt Hansen ». Il stipule que les départements d’outre-mer font partie du territoire communautaire, que le droit européen s’y applique, mais qu’en raison de leurs spécificités, ils peuvent bénéficier de mesures dérogatoires.
S’ils ne sont plus éligibles au FED, les DOM ont désormais accès à tous les fonds structurels européens (FEOGA, FEDER, FSE, IFOP…) et l’avantage financier qu’ils en retirent est considérable.
Les politiques communes s’appliquent aussi dans les départements d’outre-mer : politique agricole, politique des transports avec, pendant longtemps, des restrictions du Gouvernement français pour ce qui est de la libéralisation des transports aériens, politique de la concurrence, politique sociale…
La politique régionale et de cohésion économique et sociale de la Communauté apparaît particulièrement bénéfique au regard du mal-développement des DOM. Dès 1979, il est affirmé que « la mission de la Communauté vis à vis des régions défavorisées consiste principalement à accélérer leur développement en vue de les doter d’une structure économique de base ». En 1988, les DOM sont classés en zone d’objectif 1, dans laquelle le PIB par habitant est inférieur à 75% de la moyenne communautaire et bénéficient de ce fait d’un doublement des fonds structurels.
En revanche, la politique commerciale extérieure de la Communauté est moins favorable aux DOM. Depuis 1975, date de la première convention de Lomé, les produits agricoles et industriels des pays ACP (Afrique -Caraïbes- Pacifique) pénètrent sans payer de droits de douane sur le territoire communautaire donc celui des DOM, alors que la réciproque n’est pas vraie. Ainsi les produits réunionnais doivent affronter la concurrence de produits importés en franchise douanière de Madagascar, de Maurice, d’Afrique du Sud…alors qu’ils doivent affronter des barrières douanières s’ils veulent pénétrer les marchés de ces pays.

L’émergence d’un statut de région ultrapériphérique.

Afin d’aider les DOM à se préparer à l’instauration du « grand marché intérieur » de 1992, un Groupe Interservices est mis en place en 1986 afin de coordonner les actions en faveur des DOM, des pays et territoires d’outre-mer (PTOM) et des régions ibériques situées hors du continent européen : Canaries, Ceuta et Melila (Espagne), Açores et Madère (Portugal). Un régime d’aides spécifiques est élaboré à leur intention.
En 1989, la Communauté adopté le Programme d’Options Spécifiques à l’Eloignement et à l’Insularité des DOM (POSEIDOM) qui comporte des dispositions particulières et des financements appropriés en faveur du particularisme des DOM. Ce programme comporte depuis 1991 un volet agricole, depuis 1993 un volet pêche ainsi qu’un volet environnement. Dès 1991, des programmes du même type sont décidés par les Canaries (POSEICAN) et pour les Açores et Madère (POSEIMA). Grâce notamment au POSEIDOM, l’octroi de mer, taxe frappant les marchandises importées dans les DOM, contraire au libre échange intra communautaire, a pu être aménagé : il alimente les budgets communaux et « protège » la production locale. Toutefois cette politique spécifique reste fragile.
Les mesures dérogatoires sont en effet par nature provisoires. Or les handicaps dont souffrent ces régions sont permanentes : grand éloignement, insularité, relief montagneux, climats difficiles, dépendance de quelques produits d’exportation…Progressivement émerge donc l’idée de donner un véritable statut européen à ces régions ultrapériphériques. Le concept est consacré en 1992 dans une annexe au Traité de Maastricht. Mais c’est le Traité d’Amsterdam, appliqué depuis 1999, qui confère par son article 299 paragraphe 2 un statut particulier aux régions ultrapériphériques que sont les DOM (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion), les Canaries (espagnoles) et les Açores et Madère (portugaises).

  Superficie (km2) Population (1999) PIB/hab (€) Taux de chômage (%)
La Réunion 2 512 706 300 10 846 41,6
Açores 2 333 245 338 11 229 3,3
Canaries 7 747 1 665 117 17 191 14,5
Madère 798 258 888 15 258 2,8
Guadeloupe 1 705 422 496 11 854 34,2
Martinique 1 100 381 427 13 522 32,8

Tableau 1 : La Réunion et les autres régions ultrapériphériques

Les crédits des fonds structurels en faveur des DOM sont regroupés dans un Document unique de programmation (DOUP). Leur montant est considérable : 2 878,20 Millions d’Euros pour la seule Réunion pour la période 2000 à 2006. L’aide européenne aux investissements et aux équipements à La Réunion dépasse celle de la Métropole.
Désormais les modulations des politiques communautaires en faveur des RUP reposent sur une base juridique « solide et claire » et non plus sur des dérogations. Il appartient aux instances communautaires de donner un contenu à ce statut et aux instances des RUP d’utiliser au mieux ces franchises pour promouvoir le développement durable de leurs régions.

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Wilfrid Bertile

Bibliographie

Bertile (Wilfrid) : « La Réunion, département français d’outre-mer, région européenne ultrapériphérique », Thèse d’Etat. Université de La Réunion, Décembre 2000. 987 pages

Boudet (Catherine) : Les îles de l’Union européenne. ODR. Saint Denis. Doc. N° 20. août 1997. 55 pages.

Commission des îles : (Conférence des Régions Périphériques et Maritimes d’Europe (Jean Didier Hache, coordinateur) : «Quel statut pour les îles d’Europe?» Paris, L’Harmattan, 2000, 427 pages.

Commission des îles : « au large de l’Europe, la construction européenne et la problématique des îles » 2002, 197 pages.

Commission européenne : Office des publications officielles des Communautés européennes. « La Réunion dans l’Union européenne ». Les Guides de l’Union- Luxembourg. 1999, 33 pages.

Sources de la carte

INED ; Inséé