Atlas Géographique Informatisé Régional

La Réunion, française et européenne, a du mal à se positionner dans un environnement régional composé d’Etats indépendants. La coopération et l’intégration régionales, à l’origine conçues pour créer des blocs autocentrés suffisamment puissants pour obtenir des économies d’échelle, se présentent désormais comme une étape préparatoire sur la voie de la mondialisation.

La Réunion dans la Commission de l’Océan Indien

Une relative proximité géographique, une histoire coloniale commune, un peuplement partagé plaident pour une intégration économique voire politique des îles du Sud Ouest de l’océan Indien. Du temps de Labourdonnais (1ère moitié du XVIIIe siècle), pour des raisons géopolitiques, dans les décennies qui ont suivi la conquête de Madagascar (fin XIXe –début XXe siècles) pour des raisons économiques, un espace régional s’était cristallisé autour de l’île de France (Maurice), dans le premier cas, de Madagascar dans le second, où La Réunion trouvait sa place.
Cependant avec la décolonisation et la guerre froide, La Réunion s’est retrouvée bien isolée dans l’océan Indien. Tandis que ses voisins accèdent à l’indépendance, (Madagascar, 1960 ; Maurice, 1968 ; Comores, 1975 ; Seychelles, 1976), elle choisit de se « décolonialiser » en s’intégrant à la Métropole par la départementalisation (1946).
L’orientation « anti-impérialiste » des régimes politiques à Madagascar (révolution de 1973), aux Seychelles (1977) et à Maurice (arrivée du Mouvement Militant Mauricien au pouvoir en 1982) réduit La Réunion à une sorte d’enclave occidentale, isolée, en dépit de quelques échanges commerciaux (avec Madagascar) ou touristiques (avec Maurice).
C’est ainsi que la création de la Commission de l’Océan Indien, en 1984, s’est faite sans la France et les Comores qui n’ont rejoint dans cette organisation Madagascar, Maurice et les Seychelles qu’en 1986.

Les pays du Sud Ouest de l’Océan Indien

Pays Superficie (km2) Population (2000) PIB/Hab. (2000) Indice synthétique de fécondité (2000)
Comores 1 861 562 723 358 € 6,8
Madagascar 587 040 15 000 260 € 5,8
Maurice 2 040 1 182 212 3 768 € 2,0
Réunion 2 512 741 300* 10 908 € 2,5
Seychelles 455 79 164 6 500 € 2,0
Mayotte 374 174 900 3 745 € 5,6

Grâce à des crédits du Fonds Européen de Développement principalement, la COI met en œuvre des programmes dans les domaines les plus variés : météorologie, artisanat, échanges commerciaux, pêche thonière, enseignement supérieur et recherche, culture, protection des végétaux…. La Banque Mondiale finance un programme de lutte contre les marées noires et un programme de suivi de l’état de santé des récifs coralliens. La France prend en charge un projet de protection civile….
Organisation régionale de proximité, la Commission de l’Océan Indien accompagne ses Etats membres et les acteurs socio-économiques face aux défis de la mondialisation comme par exemple la négociation des Accords de Partenariat Economique1 avec l’Union européenne, l’adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce, l’appartenance à une zone de libre échange et la mise en place de l’Union douanière du COMESA2 etc.… Enfin la COI, en liaison avec le Secrétariat du Commonwealth et d’autres organisations insulaires (CARICOM, Forum du Pacifique Sud…)3 soutient dans les fora internationaux les intérêts des petites économies insulaires et vulnérables.
C’est au titre de La Réunion que la France a été admise à la COI en 1986. Les présidents du Conseil Général et du Conseil Régional participent à ses travaux et La Réunion est partie prenante de la plupart de ses programmes. Au niveau national, les lois de décentralisation (1982-1983-1984) et la loi d’orientation pour l’Outre-mer (2000), au niveau européen le statut de région ultrapériphérique(1999) ainsi que les Conventions de Lomé puis les Accords de Cotonou, favorisent l’action de La Réunion dans le domaine de la coopération régionale.

La Réunion et la COI face à l’émergence de grands blocs régionaux.

Le COMESA (Marché Commun de l’Afrique Orientale et Australe) regroupe 20 pays peuplés de quelque 400 millions d’habitants. Il est créé en 1993 avec un siège situé à Lusaka (Zambie). Les 4 pays ACP de la COI en sont membres ; une union douanière est prévue pour 2004 et une union économique et monétaire pour 2025. Avec la mise en œuvre des Accords de Cotonou, le programme régional financé par l’Union européenne (2002-2007) est commun au COMESA, à la COI, à l’IGAD et à l’EAC4 . La COI agit donc en étroite collaboration avec ces organisations régionales.

Appartenance des pays du Sud Ouest de l’Océan Indien aux organisations régionales

La coopération avec la SADC (Southern Africa Development Community) est plus difficile. Créée en 1992, cette organisation régionale réunit 192 millions d’habitants dans 14 pays dont deux membres de la COI (Seychelles et Maurice)5 . Le siège est à Gaborone (Botswana). Alors que le COMESA met surtout l’accent sur la libéralisation des marchés, la SADC favorise l’intégration économique par la coopération. L’adhésion de l’Afrique du Sud en 1994 renforce le poids économique et politique de la SADC, mais polarise l’ensemble de la région sa faveur.
L’IOR-ARC (Indian Ocean Rim-Association for Regional Cooperation) est créée en 1995. Il travaille à l’émergence d’un vaste ensemble économique ouvert à tous les Etats riverains de l’océan Indien. Il regroupe actuellement 19 membres et a son siège à Maurice. L’accent est mis sur la facilitation du commerce et des investissements, ainsi que la coopération économique et technique. La très grande hétérogénéité des pays membres freine l’action de l’organisation.
La France a été admise comme « partenaire de dialogue » au même titre que la Chine, le Japon, l‘Egypte et le Royaume Uni…
La COI comme les autres organisations régionales de l’océan indien se sont résolument engagées dans un « régionalisme » ouvert. La Réunion ne saurait rester à l’écart et doit trouver les moyens juridiques de s’associer à ces blocs économiques émergents : son statut européen de région ultrapériphérique peut l’y aider.

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Wilfrid Bertile

Bibliographie

Bertile, W. La Réunion département français d’outre-mer, région européenne ultrapériphérique, Thèse d’Etat. Université de La Réunion, Décembre 2000. 987 pages

« La Réunion et la coopération régionale dans le Sud Ouest de l’océan Indien » dans Propos géographiques sur le Sud Ouest de l’océan Indien, Université de La Réunion. Travaux et Documents n°11, février 1999, p. 17/38

Couteau-Bégarie, H. Géostratégie de l’océan Indien. Economica, Paris, 1992

Martinez, E. Le département français de La Réunion et la coopération internationale dans l’océan Indien. L’Harmattan, Paris, 1988.

Wanquet, C. « Les fondements historiques de la coopération régionale », Annuaire des pays de l’océan Indien, vol. IX, Aix en Provence, 1982-1983.

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1 Les APE, prévus par les Accords de Cotonou unissant l’Union européenne aux pays ACP, remplaceront à partir de 2008 les accords commerciaux des Conventions de Lomé, favorables aux pays ACP
2 COMESA : Common Market of Eastern and Southern Africa
3 CARICOM : Caribbean Community
4 IGAD : Intergovernmental Authority on Development
EAC: Economic Commission for Africa
6 Madagascar a demandé son adhésion fin 2002