Atlas Géographique Informatisé Régional

Lorsqu’on s'exprime sur l’espace india-océanique, on se heurte inévitablement à un problème de définition. Il n’y a pas de limitation universelle à cet espace. Tout dépend du point de vue où l’on se place : culturel, politique, religieux, économique, stratégique, social. Le parti pris retenu ici est de prendre en considération l’ensemble des pays continentaux bordiers de l'océan Indien ainsi que les États et les territoires insulaires qui s’y égrènent. Nous sommes ainsi en présence de 38 États et territoires (tableau 1) ayant un total de plus de 2 milliards d'habitants, environ le tiers de l'humanité, qui vivent sur une superficie terrestre de 30 millions de km2 entourant un océan1 de 69 millions de km2. Ces États et territoires, marqués par une période plus ou moins longue de colonisation européenne, sont peu comparables et apparaissent bien hétérogènes. Ils forment un ensemble très fragmenté et peu cohérent où s'expriment de manière rare nombre de situations politiques, économiques, sociales et culturelles.

Ils sont néanmoins aujourd'hui tous confrontés à des contraintes de développement qui s'inscrivent dans les dialectiques actuelles de la mondialisation et de la régionalisation. Il s'agit, d'une part, d'arriver à concilier les règles édictées par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui appelle à la libéralisation des marchés et donc à la fragilisation accrue des économies les moins concurrentielles, avec les réalités socio-économiques de pays au développement humain moyen voire faible. D'autre part, force est de constater que les regroupements régionaux, bien que porteurs d'espoirs et d'enjeux majeurs de développement, ont du mal à se mettre en place dans la région. Les pays d'Asie du Sud-Est semblent les plus à même à rendre leur coopération économique performante au sein de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est. En revanche, les autres sous-ensembles du bassin sont toujours à la recherche d'une dynamique de coopération. De la Communauté de développement de l'Afrique australe au Marché Commun de l'Afrique orientale et Australe, l'Afrique india-océanique est handicapée par les problèmes économiques structurels de ses États-membres. L'ensemble Inde, Pakistan, depuis sa partition en 1947, est en prise à des affrontements permanents, notamment en ce qui concerne le Cachemire, qui empêchent toute véritable coopération. Pour les pays du Golfe, qui appartiennent au Conseil de coopération du Golfe, le pétrole reste le meilleur vecteur de coopération vis-à-vis de la scène et des marchés internationaux mais la répartition des richesses entre les habitants est des plus inégalitaire au monde. Pour le sud-ouest de l'océan Indien, la Commission du même nom (COI), en dépit de ses ambitions limitées, enregistre quelques réalisations de coopération technique dans les domaines de l'éducation et de l'environnement. La Réunion, en raison de son statut de département d'outre-mer français est membre exclusivement de la COI.

À la diversité, parfois confusion, économique et politique, mais aussi identitaire que connaissent les États de la région s'ajoutent des partenaires extérieurs qui n'ont pas toujours des positions cohérentes à l’égard de la région india-océanique. Les Européens tentent à grand renfort de politique de développement de donner une marge de manœuvre de développement à l'Afrique et à l'Asie du Sud et Sud-Est. Les États-Unis sont principalement préoccupés par leur approvisionnement en pétrole et par la lutte contre le terrorisme. Ils concentrent ainsi leur attention au Moyen-Orient. L'Australie est une puissance moyenne et elle reste davantage tournée vers la sphère asiatique et le bassin du Pacifique que vers l'océan Indien en dépit de sa façade india-océanique.

Nous déclinerons la place de la Réunion dans l'espace india-océanique suivant plusieurs perspectives. La première analysera les dynamiques géopolitiques qui sont essentielles pour bien appréhender le bassin india-océanique. La seconde, économique, s'articulera autour de cinq planches : le poids économique, les activités économiques, l’espace touristique, l'aide et la dette publique. La suivante, structurelle, abordera les réseaux de transports, l'intégration à l'Europe et l’intégration régionale. Nous aborderons ensuite les niveaux de développement avec l'étude de la mortalité infantile et de l'indice de développement humain. Enfin, la perspective sociale aura sa place avec une réflexion sur les religions.

François Taglioni

________________________
1 L'océan Indien est le plus petit des trois océans humanisés. Le plus grand est l'océan Pacifique avec 155 millions de km2. Il vient ensuite l'océan Atlantique et ses 77 millions de km2.